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Extraits

…Après quelques virages, nous aperçûmes enfin le château de Brunet, majestueusement dressé devant nous.

La bâtisse, d'une longueur de vingt-cinq mètres et d'une profondeur de sept mètres, était entièrement construite en galets de la Durance. Au centre, une imposante porte cochère à deux battants en bois, surmontée d'une massive poutre en bois et d'une voûte en carreaux de terre cuite posés sur champ, comme des rayons d’un soleil, était encadrée de grosses pierres de taille blanches de chaque côté.

De part et d’autre de la porte, trois meurtrières encadrées de tomettes en terre cuite étaient visibles, tandis qu'à l'extrémité droite se trouvait l'entrée d'un pigeonnier, entourée de carreaux vernissés en terre cuite rouge.

À droite de la bâtisse, se dressait une ruine de cent soixante-treize mètres carrés, qui ne faisait pas partie de la propriété à l'époque, mais que mes parents achèteraient quelques années plus tard, en février 1977. Sur la gauche, adossé à la colline, un bassin en ciment de deux mètres par quatre servait de réserve d'eau.

Descendant de la voiture sans prendre le temps de refermer les portières derrière nous, ma sœur et moi nous précipitâmes pour franchir la porte cochère et pénétrer dans les lieux.

Le rez-de-chaussée était composé de trois grands espaces séparés par des murs en galets épais de soixante centimètres, avec un sol en terre battue parsemé de foin et de crottes de biquettes, quelques râteliers en bois étaient accrochés au mur.

L'étage était inaccessible en raison de l'état délabré du plancher et de l'absence d'escalier fonctionnel. Seules les poutres semblaient avoir résisté au passage du temps, tandis que quelques trous dans la toiture laissaient passer la lumière. Ni l'eau ni l'électricité n'étaient disponibles. Selon le cadastre de 1836, la partie centrale semblait avoir été ajoutée ultérieurement, car il faisait mention de deux constructions de chaque côté et d'un accès direct à la cour…

 

…C'est en présence de Danielle et Lucien que mon père avait mis en œuvre le treuil. Lucien tenait la caméra pour immortaliser ce moment. Après l'avoir fixé sur la dernière marche de l'escalier reliant la cour au Château, mon père avait commencé la manœuvre en déroulant le câble en direction du mur central du château. Ensuite, depuis l'échelle à plus de sept mètres de haut, il avait fait passer le câble entre le bord du mur et une fenêtre. Toujours en short et torse nu, seules ses mains étaient protégées par des gants en peau. Ensuite, il s'était dirigé vers le treuil et avait commencé à tendre le câble à l'aide de la manivelle. Après l'avoir bloqué, il était retourné au milieu du câble, là où la hauteur lui permettait de le tenir à bout de bras. Nous étions tous autour pour voir ce qui allait se passer. Après plusieurs flexions sur le câble, mon père s'était assis dessus et avait commencé à sauter pour le tendre davantage. C'est à ce moment que le mur s'était mis à basculer légèrement, puis le câble avait cédé au niveau d'un raccord. Mon père s'était retrouvé les fesses par terre, ce qui nous avait beaucoup amusés.

La tentative suivante fut la bonne. Une fois le câble réaccordé, après une bonne dizaine de sauts sur le câble, le mur s’était mis à osciller d'avant en arrière, avec un mouvement de plus en plus rapide. Puis, d’un seul coup, accompagné d’un bruit assourdissant, il avait cédé et s’était écroulé à nos pieds, soulevant un nuage de poussière. Lucien avait tout immortalisé…


…Eté 1978

Il restait le mur d’enceinte de la cour à réparer. La partie intérieure, du côté de la cour, était en très bon état, ce qui n'était pas le cas de la partie extérieure, qui longeait la route et s'élevait sur une hauteur de plus de dix-sept mètres. Installer un échafaudage était hors de question, car le pied du mur reposait sur une butée d'un mètre de haut.

En 1976, mon père avait déjà agi sur cette section du mur pour éliminer la végétation enracinée et stopper sa progression.

Chaque trou dans ce mur de plus d’une vingtaine de mètres de long sur dix-sept mètres de haut avait été consolidé. Ma mère lui remplissait un grand panier en corde avec des galets et le descendait à la bonne hauteur d'un côté de mon père. De l'autre côté, un seau de béton préparé dans une brouette en petite quantité pour éviter qu'il ne sèche trop vite. Depuis son échelle, mon père choisissait le galet approprié dans le panier et le scellait avec le béton, torse nu bien sûr et en short.

Ma grand-mère Mathilde, qui était présente cet été là, observait ce manège avec beaucoup d'inquiétude. Après plusieurs semaines, alors que mon père était presque arrivé au bout, il dut néanmoins mettre cette réfection en pause pendant quelques jours. Le travail sur l'échelle, ses espadrilles et la chaleur avaient d'abord provoqué des gonflements aux pieds, puis des douleurs profondes dans les mollets. La phlébite le menaçait. Malgré les bains de pieds au sel prescrits par ma grand-mère, il dut se reposer et changer d'activité pendant quelques jours. Le mur pouvait bien attendre encore un peu. A la fin des vacances, il serait néanmoins fini.

Et c’est ainsi que les gros travaux prirent fin…